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"Elle nous transportait avec son piano" : Juliette Jouet, pianiste et professeur de musique (1879-1959)

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Née à Saint-Denis le 18 avril 1879, Juliette Jouet grandit dans une famille modeste. Très tôt, elle est attirée par le piano, découvert par hasard chez une voisine. Alors, dès l’âge de 5 ans, ses parents lui offrent des cours de piano chez un professeur du quartier de La Plaine. Vive et travailleuse, la petite fille aux yeux bleus fait rapidement des progrès, au point de réussir le concours d’entrée à l’École supérieure de musique de Paris. Elle y poursuit ses études et y a l'occasion de jouer devant un jury composé de musiciens extérieurs à l’institution. Parmi eux, Jules Massenet, qui remarque la jeune fille. Et la pousse à continuer.

 

Sur l'insistance du compositeur, à l’âge de 14 ans, Juliette entre au Conservatoire de musique de Paris. Si le prestigieux établissement est mixte depuis sa création en 1795, filles et garçons y intègrent des cursus séparés. Comme la célèbre pianiste Marguerite Long quelques années plus tôt, l’adolescente dionysienne suit donc le cours de piano de madame Chéné. Elle étudie beaucoup d’œuvres de compositeurs de la période romantique, comme Hummel ou Mendelssohn. Sa professeur note son « très bon travail »[1].

 

Malgré son talent, sous la pression de son entourage, Juliette renonce à devenir concertiste professionnelle : à cette époque, on invite avant tout les jeunes filles à rester modestes et se « trouver un bon petit mari »[2]. Pas à faire carrière dans le milieu du spectacle, un univers dont la réputation douteuse effraie. Juliette doit rester irréprochable, et ne s’autorise guère de fantaisies : vêtue de noir, les cheveux coiffés en un chignon sévère, elle est en permanence tirée à quatre épingles. Et si elle demeure célibataire, pas question pour elle de s’éloigner de Saint-Denis, la ville où a toujours résidé sa famille, la ville où la jeune femme s’installe, vers 1910, avec ses parents dans un petit pavillon 12 rue Bonnevide .

 

À la fin de ses études, Juliette se tourne donc vers l’enseignement : cours particuliers de piano, leçons de solfège, de musique vocale… Professeur réputée (elle a notamment reçu le titre d’officier de l’Instruction publique[3]), elle appelle ses élèves à se dépasser, « elle nous transportait avec son piano », se souvient avec émotion l’une de ses anciennes étudiantes[4]. Pour arrondir ses fins de mois, Juliette devient aussi pianiste dans les cinémas locaux, où elle accompagne de nombreuses projections de films muets.

 

Très impliquée dans la vie culturelle dionysienne, Juliette a ainsi constamment multiplié les activités : participation à des opérettes jouées par des amateurs, aux concerts organisés par des associations dionysiennes comme l’Avant-Garde, accompagnement de cours de danse et de galas… Mais son salaire ? Souvent, un simple bouquet de fleurs.

 

Juliette Jouet est décédée le 14 décembre 1959. Sa tombe se trouve toujours aujourd’hui au cimetière de Saint-Denis.

 

Notes

[1] Rapport des professeurs des cours de piano préparatoire du Conservatoire national supérieur de musique sur leurs élèves pour les examens, 23/01/1894, Archives nationales, AJ/37/294.

[2] Poème « À Mlle Juliette Jouet », AMSD, 1 S 19.

[3] Equivalent des palmes académiques actuelles.

[4] Extrait du témoignage de Melle Pierard, recueilli en [1979-1980], AMSD, 12 AV 13.