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Mai 1925 : Marie Chaix, une femme élue adjointe au maire ?!

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"Marie Chaix, candidate féminine, brodeuse, membre du parti communiste"

À la une, début mai 1925, le journal communiste local L’Emancipation annonce la couleur : c’est bien une femme qui est candidate aux élections municipales sur la liste communiste à Saint-Denis, alors qu’en France, à cette époque, seul les hommes ont le droit de vote et sont, a priori, éligibles. Le 10 mai, elle est élue avec 7 114 voix. Sept jours plus tard, lors de l’installation du nouveau conseil municipal, on lui confie même un poste d’adjointe au maire, chargée des affaires sociales. 

"Actuellement, il ne s'agit plus d'une conseillère, mais d'une "adjointe". Il faut agir vite."

Face à cette situation inédite, Le Journal de Saint-Denis, hebdomadaire républicain marqué à droite, s’indigne. Le 23 mai, il publie une tribune d’H. Monin contre « madame l’adjointe », « cette personne légalement indésirable » dont il ne se donne même pas la peine d’écrire le nom. Il y multiplie les avertissements : cette « usurpation de fonctions administratives » par une femme est « [susceptible] de nuire à un grand nombre de citoyens. »

Mais Marie Chaix (1886-1955), née Rocher, ne craint pas de susciter la controverse. Originaire d’une famille pauvre de la Drôme, cette ouvrière de 39 ans a divorcé deux ans plus tôt de son premier mari, un homme de 24 ans son aîné épousé à l’âge de 16 ans. Avec l’homme qu’elle a choisi, un facteur nommé Ernest Chaix, elle s’est installée dans un appartement sis 4 rue Petit (actuelle rue Auguste Poullain), à Saint-Denis. Et elle a pris sa carte au tout jeune parti communiste. Alors, quand on lui propose d’être candidate sur la liste du Bloc ouvrier-paysan (mot d’ordre du PC-SFIC à cette époque) aux élections municipales du 3 et 10 mai 1925, cette militante se saisit de l'occasion de lutter pour le droit de vote des femmes.  

"Légalement ou illégalement, de gré ou de force, les femmes élues par le Bloc ouvrier-paysan siégeront dans les hôtels de ville !"

Bien sûr, le conseil de préfecture annule l'élection de Marie Chaix par un arrêté dès le 27 mai 1925. Mais elle se pourvoit devant le Conseil d'Etat et, en attendant, continue de siéger autant que possible. Le 8 juin, elle participe ainsi à la première réunion publique du nouveau conseil municipal, où le maire souligne : « nous avons le plaisir d’avoir avec nous une camarade femme […] ; aussi demanderons-nous aux pouvoirs publics de ratifier au plus tôt l’éligibilité et le droit de vote pour nos camarades femmes ».

"La requête susvisée de la Dame Chaix est rejetée."

Mais le 29 janvier 1926, le conseil d’état confirme l’annulation de son élection comme conseillère municipale, et Marie Chaix, comme les autres femmes élues sur les listes du Bloc ouvrier-paysan (Marthe Tesson à Bobigny, Augustine Variot à Malakoff, Joséphine Pencalet à Douarnenez…), doit s’incliner. Il lui faudra attendre 1945 pour pouvoir, pour la première fois, s’inscrire sur la liste électorale de Saint-Denis et exercer son droit de vote en toute légalité.